Peut-on comprendre réellement ce que vit quelqu’un sans l’avoir vécu soi-même ?
Oui, si l’on pratique l’empathie.
L’empathie est la faculté de comprendre le point de vue, le ressenti d’autrui sans le prendre pour soi ni le partager, afin d’en être « protégé ».
C’est la posture idéale d’un aidant, d’un coach, d’un médecin.
Car « Si je me mets à la place de l’autre, l’autre se met où ? ».
Cette phrase de Lacan pose ainsi la limite entre sympathie, compassion, qui signifient « souffrir avec » et donc occuper la même place, et l’empathie.
L’empathie est ce juste et difficile équilibre à trouver, pour comprendre, soutenir, aider autrui, sans pour autant « être entrainé » dans sa chute.
Cet Autre si différent de soi-même.
Sommes-nous tous empathiques ?
Au vu des récents évènements médiatiques, je serais tentée de dire que non.
L’empathie n’est pas donnée à tout le monde, et visiblement certaines classes pratiquent davantage la solidarité que l’empathie.
Les classes politiques, médiatiques, entendent, voient, mais ne comprennent pas réellement ce que vivent leurs concitoyens dès lors qu’elles en sont éloignées par leur cadre de référence[1].
En revanche, elles pratiquent largement la solidarité[2].
Il faut attendre qu’ils soient eux-mêmes touchés par ce que vivent les Français « ordinaires » pour réagir.
Je prends pour preuve le décalage entre l’affaire Mila et l’affaire Griveaux, en comparant uniquement la réaction de la classe politique face à ces situations.
Dans le 1er cas c’est une vie qui est menacée,
dans le 2nd cas il s’agit d’une vie politique.
Pourtant curieusement, c’est la 2nde affaire qui relance le débat sur les réseaux sociaux.
Peut-on tout dire, tout faire librement sur les réseaux sociaux ?
Alors que le pouvoir de nuisance, la dangerosité des RS est plus que connue (22 % de jeunes Français ont déjà été victimes de cyber-harcèlement), il faut attendre qu’un « semblable » soit victime des RS pour que le phénomène soit pris enfin au sérieux.
La solidarité, le soutien dont a bénéficié Mr Griveaux est celui d’une classe qui se sent concernée, menacée, se reconnait et se projette dans la même situation. La même solidarité dont ont bénéficié Messieurs Matzneff et Polanski.
Une empathie davantage conditionnée par l’adoption d’un
cadre de référence commun plus que de la capacité à comprendre l’autre dans sa
différence. Et c’est là justement toute la différence entre solidarité et
empathie…
[1] Le cadre de référence correspond à la manière de vivre, de penser et de se représenter la réalité. Toujours personnel, il peut cependant être plus ou moins proche d’un individu à un autre en fonction de l’éducation reçue, des expériences vécues.
[2] Étymologiquement, lien unissant entre eux les débiteurs d’une somme. La solidarité est le sentiment de responsabilité et de dépendance réciproque au sein d’un groupe de personnes qui sont moralement obligées les unes par rapport aux autres.