À la veille d’Halloween, période propice au déguisement, j’ai eu envie de parler de nos personnages.
Ceux que nous jouons, ceux que nous laissons voir de nous, ceux dont nous sommes devenus prisonniers, parfois à notre insu.
Il y a quelques temps, une amie, une vraie, m’a fait un aveu et un cadeau. Elle m’a dit ce qu’elle percevait de moi du temps que nous travaillions ensemble.
J’ai été touchée, et un peu attristée de ce que j’ai entendu.
Car ce qu’elle décrivait de moi était à la fois tellement vrai (ce que je donnais à voir) et tellement faux (ce que je ressentais).
Le Français a la réputation d’être râleur, et je dois dire que j’étais à la hauteur de la réputation ! Je pratiquais cette discipline avec application, la cultivais, j’en jouais, je me dépassais.
En réalité, c’est moi qui étais dépassée.
Mon personnage avait pris le pas sur mon identité.
Mes réactions étaient devenues prévisibles, là où je croyais être naturelle et spontanée !
En clair, méfions-nous de ce que l’on donne à voir de nous, car l’Autre, celui qui nous sert de miroir est un miroir sans tain.
Il reflète ce qui se tient devant lui et préserve des regards ce qui se cache derrière.
Derrière, se trouvent nos pensées, notre moi intérieur et profond, le sien, ses pensées, ses émotions.
Cela signifie que l’entourage peut continuer de rire par habitude de choses qui ne l’amusent plus.
Mais, il peut également se taire sans cautionner pour autant ce qui vient d’être dit.
Le dicton nous a laissé croire que si l’autre acquiesce ou ne dit mot c’est qu’il consent : grave erreur !
L’autre peut se taire :
- par respect,
- par lassitude,
- parce qu’il n’a pas l’envie, le courage, l’énergie de s’opposer,…
Cela ne signifie aucunement qu’il approuve.
Dans ce contexte, les relations professionnelles ou personnelles sont biaisées. Chacun joue un jeu, un jeu de dupes qui pourrait s’appeler « je ne suis pas celui ou celle que tu crois », ou « je ne pense pas ce que tu crois que je pense ».
Difficile, vous en conviendrez, de s’y retrouver dans ces conditions!
Au départ, il y a seulement un jeu, on fait comme les enfants :« viens, on joue à », « viens on fait comme si… ».
Et progressivement ce texte devient le nôtre. Nous devenons, qui, le râleur, le boute en train, le cynique, le désabusé, l’optimiste, le bon copain de service !